26/01/2014
Le chef de l'Etat a-t-il droit à une ''vie privée'' ?
Et que veut dire "vie privée" à l'ère de l'exhibitionnisme de masse ?
Annoncée hier, la séparation officielle de FH et VT met fin à trois semaines de comédie de boulevard au cours desquelles on a entendu les médias marteler, non sans cynisme, que ''la vie privée'' était un ''droit''.
Ce slogan a-t-il un sens ? À mon avis, non.
- Non, d'abord dans l'absolu et s'il s'agit du président de la Ve République. C'est ce que j'ai soutenu vendredi matin contre Philippe Tesson à Choisissez votre camp, l'émission de Valérie Expert (LCI). Incarner l'Etat – avec pleine puissance régalienne en théorie – impliquerait de se laisser saisir par le rôle, déposséder de tout repli personnel. Certes la droite a fait dégénérer la fonction, en deux étapes : 2000 (la réforme du quinquennat, d'où campagne électorale permanente), et 2007-2012 (l'omniprésidence : un activisme de lapin mécanique, ou médiatique, voué au commentaire et à l'agitation ; le président suivant finit par dédier des interventions à Inna ou Leonarda). Mais cette dégénérescence du rôle ne restitue pas un ''droit à la vie privée'' : au contraire, elle traîne l'intimité du président sous les projecteurs. C'est la logique de la mise-en-spectacle, à laquelle rien ne résiste.
- Mais cette logique n'est pas réservée aux leaders, ni même aux people. Elle est globale. C'est celle de la société spectaculaire marchande de masse parvenant au stade prédit depuis quarante ans (Debord 1967)... La notion de vie privée n'a plus de sens à l'époque des réseaux d'exhibitionnisme individuel, nommés ''sociaux'' par antiphrase. Et les allusions hypocrites au ''respect de la vie privée'' sont là pour émoustiller le spectateur, qui souvent met en scène sa propre vie privée sur Facebook. Le voyeurisme généralisé s'étend à la vie petite-bourgeoise, loin de la scène politique mais tout près quand même de la Machine communiquante : ce matin un journal de 8 heures nous a informés que le salon de la lingerie était ''marqué cette année par la vague sado-maso et fétichiste'' ; les Bidochon font savoir sur les réseaux sociaux qu'ils pratiquent le sexe de l'extrême, comme si c'était du ski hors piste. Comment parler de vie privée dans ces conditions ? Les lieux communs demandent à être redéfinis.
10:29 Publié dans Idées, Société | Lien permanent | Commentaires (26) | Tags : vie privée, françois hollande
Commentaires
ELITES
> En fait, les "élites auto-proclamées" réclament le respect de la vie privée pour ne pas voir divulguées leurs actions peu glorieuses. Pour les autres actions dans le même domaine dont elles peuvent être fières, elles réclament au contraire le tapage médiatique.
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Écrit par : Barbara / | 26/01/2014
TOUS LES RÉGIMES
> Ce n'est finalement ni mieux ni pire que Louis XIV s'exhibant du lever au coucher, y compris sur son "trone", qui troussait les soubrettes et courtisanes dans tous les coins et recoins de Versailles... Henri IV pourtant très apprécié de nos contemporains était un queutard frénétique, surnommé le vert galant... Oui parce qu'en plus, au temps de nos rois très chrétiens la vigueur sexuelle du roi était très courue et passait pour de la galanterie.
Je ne sais laquelle de nos régimes est en fait plus macho que l'autre, ni lequel est le plus voyeuriste.
En tout cas, il y a toujours eu des "premières dames" et non pas "une" mais "des floppées" de maitresses.
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Écrit par : christophe b / | 26/01/2014
LES TEMPS CHANGENT
> Très juste, ce que vous dites, non seulement concernant les gens que leur fonction met en vue mais aussi tous les autres: il y a une globalisation d'un voyeurisme d'autant plus malsain qu'il prétend être un des effets de la "transparence" vendue (pour combien de temps encore?) comme une vertu démocratique.
Barbara a également bien raison de souligner l'inconséquence des "élites". Je pense, là aussi, que cette inconséquence est d'autant plus forte et néfaste que, tout en faisant ce que dit Barbara, les "élites" imaginent pouvoir rebondir en comptant sur une éventuelle popularité qui pourrait provenir de la révélation de scandales "privés"...
le système est donc vraiment tordu mais il me semble que cette forme de roublardise est en train de montrer ses limites. Particulièrement dans le cas qui intéresse tout le monde actuellement (contrairement à ce que proclament les "élites") et dans lequel la multiplication des goujateries depuis plusieurs années entre les mêmes conjoints, ex-conjoints, conjoints officiels et officieux, plus le relookage de la répudiation (dite "privée" mais proclamée par un communiqué diffusé à une agence de presse!)... démontre une seule chose: la formidable transparence de l'embrouille qui reflète, comme par hasard, l'incompréhension montante face au fonctionnement de la démocratie, toutes choses qui s'articulent de manières complexes mais qui s'articulent néanmoins et commencent à faire dérailler les mécanismes des roublardises qui fonctionnaient jusque-là...
les temps changent même pour ceux qui imaginent être à la pointe du progressisme... et parfois ça fait mal.
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Écrit par : C.J / | 26/01/2014
Mme TAUBIRA
> "les lieux communs demandent à être redéfinis"; Proposons cette tâche conjointement à
Christiane Taubira et Vincent Peillon, dont l'éloquence fait grand usage de lieux communs, truismes et amphigouri.
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Écrit par : Amicie T. / | 26/01/2014
VT
> En tout cas, sur le site de la Présidence, l'espace accordé à VT a été enlevé…
http://www.elysee.fr
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Écrit par : Feld / | 26/01/2014
@ christophe b
> Je crois qu'en France il y a cette idée selon laquelle plus un chef d'Etat se vide les c… régulièrement, plus il a les idées claires et plus il est digne de diriger son pays.
Exemple contraire "repoussoir" : le très chaste (pour ne pas dire plus) Robespierre, psychopathe insensible, artisan de la Terreur quasi désincarné (assez hallucinant quand on y pense : il n'a assisté à aucune exécution capitale, hormis la sienne…).
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Écrit par : Feld / | 26/01/2014
DIVERSION
> "Le chef de l'Etat a-t-il droit à une ''vie privée'' ?"
Excusez-moi mais je vois mal l'intérêt de cette question. La vie sexuelle des chefs de l'Etat français a toujours fait parler d'elle, le problème étant juste ici la façon dont les médias les plus sérieux ont repris l'attitude de la presse people.
Ce que je me demande surtout, c'est : comment a-t-on pu parler autant d'un si petit et mesquin évènement alors que la France est dans une situation économique et sociale grave et que le président vient d'annoncer des mesures qui risquent de la rendre dramatique ? Il est difficile de ne pas y voir une manœuvre de diversion.
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Écrit par : Guadet / | 26/01/2014
@ christophe b
> Ce roi avait, comme son père d'ailleurs, un sens élevé de la majesté de sa fonction au sein du royaume. Il ne s'agissait donc en rien d'exhibition mais d'un mode de fonctionnement social qu'il faut se garder de comparer avec la société d'aujourd'hui sous peine de commettre des anachronismes désastreux et de ne rien comprendre.
Par ailleurs, Montespan, pas plus que La Vallière ni aucune des autres n'étaient soubrettes et encore moins courtisanes !
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Écrit par : Réginald de Coucy / | 26/01/2014
> Le ski hors piste…excellent !
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Écrit par : Haglund / | 26/01/2014
DEBORD ET BOSSUET
> Ce que disait aussi Debord (ce Bossuet moderne), c'est que le pouvoir est devenu complètement une image-spectacle. Autrement dit, une sorte de "chose" sans épaisseur.
D'où le vide qu'il instaure (ainsi de ces deux semaines autour de la vie privée de Hollande), et les réflexes archaïques qu'il propage avec de plus en plus d'absurdité (ainsi ce "retour" au libéralisme décrété par le même Hollande lors de sa conférence de presse).
Ce sont les individus, les peuples qui en font les frais en dernier ressort, et jamais les dirigeants, adeptes cyniques du "pas vu, pas pris" (cf. Mitterrand).
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Écrit par : jem / | 26/01/2014
ARTIFICE
> La distinction vie privée vie publique n'est qu'un artifice visant à maintenir la réalité virtuelle de nos élus, c'est-à-dire non pas la distinction engagement public/convictions et choix de vie privés (qui seraient en avance par exemple sur la population et donc ne seraient pas "affichables")si chère aux franc-maçons et autres lobbies progressistes, mais la suggestion pour le peuple qu'il y a bien une personne réelle derrière une fonction politique officielle. Quand tout n'est que jeu de miroirs et de dupes. De pantins et poupées gonflables.
De fait ce "droit" à la vie privée est possibilité de multiplier à l'infini les jeux de rôle selon les goûts et les couleurs du moment. Tout sonne faux. Les photos des paparazzi autant que le reste. Nous sommes face à des ersatz d'élus,des fantômes sans épaisseur dont la fumée s'efface aussitôt que lancée dans l'aire médiatique.
Peut-être est-ce parce-que je ne porte les lunettes 3D pour le show politico-médiatique? En fait je n'ai pas envie de les mettre. Le monde réel, et qui cherche à s'émanciper du scénario de ce jeu vidéo cauchemardesque dans lequel on l'enferme, voilà où nous plonger!
Écrit par : Anne Josnin / | 27/01/2014
COHERENCE
> Une règle :
La cohérence :
- Lors de sa campagne, F.Hollande est apparu de nombreuses fois avec sa compagne. Il a donc lui même exposé sa vie privée.
- La chancelière allemande n'apparait dans aucune manifestation publique politique avec son mari.
=> L'une peut donc exiger le respect de sa vie privée dans ce domaine, l'autre pas !
Écrit par : franz / | 27/01/2014
APPARENCE
> L'exhibitionnisme, ne vient-il pas du fait que notre société promeut plus l'apparence que les vraies actions ?
L'exhibitionnisme, n'est-il pas l'apparence mise en avant ?
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Écrit par : franz / | 27/01/2014
EXPROPRIÉS
> Ouais, eh bien moi je pense aux voisins de l'appartement de V Trierweiler qui avaient été expropriés "pour raison de sécurité".
tout ça pour ça..
Alors qu'il dispose d'un logement de fonction, F Hollande a décidé de s'installer chez sa maîtresse : déploiement policier, contrôles d'identité et expropriation des voisins.
de quel droit ?
Et maintenant ?
peuvent-ils revenir chez eux ?
tout ça pour ça...
On a disposé de la vie de ces gens, comme des moujiks au temps des tsars.
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Écrit par : E Levavasseur / | 27/01/2014
LOGEMENT
> François Hollande n'aimait pas son logement de fonction de l'Elysée : il a donc imposé les conséquences de sa vie privée aux habitants de l'immeuble où il s'est installé aux "frais publics".
La vie privée des autres a dépendu des goûts personnels de cet homme .
Maintenant ses goûts féminins ont également changé...
EL
[ PP à EL - Quelle est la source de cette information sur une expropriation ? ]
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Écrit par : E Levavasseur / | 27/01/2014
LOGIQUE ?
> TF1 dans mon souvenir mais il faudrait que je retrouve l'extrait.
La raison invoquée était "risque d'espionnage" (ce qui est logique pour le coup)
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Écrit par : E Levavasseur / | 27/01/2014
JUSTEMENT
> Oui, il est logique d'invoquer ce risque d'espionnage A PARTIR DU MOMENT OU l'on accepte qu'il puisse loger ailleurs que dans un logement de fonction.
Or ça, justement, ce n'est pas légitime puisque logement de fonction il y a (sinon l'Etat paie deux fois), que ne pas s'en servir ennuie tout le monde et ne peut se faire sans imposer aux autres les conséquences de ses choix privés, coûte plus cher, etc.
Un raisonnement est une logique en soi. Mais si le point de départ est faux... le raisonnement n'est logique qu'avec lui-même.
Un individualiste comme Hollande ne sait pas tenir d'autre raisonnement. "Je suis un personnage public qui fait tout ce qu'il veut"
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Écrit par : E Levavasseur / | 27/01/2014
@ Levavasseur :
> Eurêka ! J'ai trouvé l'explication des sombres couleurs sous lesquelles t'apparait ton époque ! Tu regardes TF1. Je ne vois pas qui y résisterait.
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Écrit par : Haglund / | 27/01/2014
LOUIS XIV
> Réginald je veux bien qu'on soit vieille France, mais ça ne doit pas égarer le jugement. Louis XIV tirait sur tout ce qui bougeait, y compris les femmes de service. C'est d'ailleurs un roi connu pour sa frénésie sexuelle; ce qui n'empeche pas d'admirer le cas échéant les oeuvres de l'homme d'Etat.
Quant à ce que je voulais dire au fond, c'est qu'on n'a pas à flinguer Hollande plus que d'autres, et y compris des monarques, comme par une sorte de référence à un age d'or de l'Etat chrétien, (catholique de préférence). C'est ça qui est anachronique, et plus encore: erroné.
Je ne crois pas en effet qu'on ait ni perdu ni gagné en majesté; en revanche, les prouesses sexuelles du Puissant laissent toujours l'observateur entre admiration feinte ou non, et frustration. Ca n'a donc rien à voir avec une étude sociologique, encore une fois, ou un age d'or "très chrétien" se distingue par ses frasques "vertueuses" d'un aujourd'hui entaché d'errements plus mortellement pécamineux les uns que les autres. J'attends juste de nos élites plus de modestie, et de dignité, mais pas qu'elles soient déshumanisées.
D'ailleurs Tartuffe serait sans doute très adapté aux moeurs d'aujourd'hui. Toute l'ame de la pièce est là, et la moquerie du roi aux détriments de ses semblables, les Grands.
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Écrit par : christophe b / | 27/01/2014
@ haglund
> même pas !
j'ai pô la télé : ça t'épate hein ?
(les impôts aussi : ils passent leur temps à passer chez moi pour vérifier que je ne l'ai pas & que donc j'ai le droit de ne pas payer la redevance)
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Écrit par : E Levavasseur / | 27/01/2014
@ Levavasseur :
> Mais alors…comment sais tu que c'était sur TF1 ??!
@ christophe b.:
> vous n'êtes pas forcément en contradiction. Les soubrettes et femmes de service étaient alors de grandes dames, ou au moins d'excellente famille. Ce qui sanctifie les galipettes, apparemment.
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Écrit par : Haglund / | 27/01/2014
TRISTE TÉLÉ
> parce que je sors, figure-toi !
j'ai des amis, des relations, des connaissances, de la famille et qu'il peut arriver de voir cet écran allumé quand je suis chez eux même si ce n'est pas le but de ma visite.
Je fais aussi partie de ces ploucs qui vont voir les matchs de rugby au bistro.
à chaque fois qu'il m'arrive de voir la télévision, ça me fout le cafard :
-fausse gaieté, rire enregistré, humour pseudo insolent
-obsession sexuelle
-publicité au rythme hystérique (on se prend plein de flashes dans la figure)
-le son est plus fort lors des pubs
-manque d'approfondissement
- manque de scénario
-frappé aussi par les feuilletons français qui ressemblent à des trucs américains
- image hyper contrastée : les sombres sont noirs, sans nuances, tout est en clair obscur
-absence de la province, parisianisme
En fait la télévision est TRISTE
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Écrit par : E Levavasseur / | 29/01/2014
@ Levavasseur :
> pour une fois 100% d'accord avec toi. Tu peux ôter le parisianisme, quand même un peu plus brillant. Et ajouter les dangers pour le psychisme des enfants (violence, vulgarité…). Mais…si tu sais ça, tu peux te méfier de TF1, non ?
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Écrit par : Haglund / | 29/01/2014
> Merci pour cette precision historique, Haglund.
C'est d'autant plus drole alors, de lire Tartuffe.
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Écrit par : christophe b / | 29/01/2014
LES SIENNES
> F. Hollande est grand amateur de blagues, dit-on.
J'en ai entendu une hier le concernant - en un lieu pourtant sérieux, digne et compassé - que, de bonne guerre, je ne peux m'empêcher de répéter :
Pendant que la France se barre en c..., Hollande promène les siennes !
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Écrit par : Réginald de Coucy / | 31/01/2014
PAS TRISTE
> Je ne vois pas en quoi la télévision est triste en soi, il suffit d'être sélectif et de ne pas en abuser, c'est tout. Il y a de belles émissions sur France 5 ou Arte avec toute sortes de sujets ( nature, peinture, architecture, expos).
A force de tout peindre en noir et d'ériger le pessimisme en règle de vie, on finit par passer à côté de tout.
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Écrit par : Jars / | 01/02/2014
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